Mercredi 13 juin 2018

Les couleurs de la souffrance
                                                                                 
Marie Baümer

   La comédienne allemande Marie Baümer fait revivre Romy Schneider dans l'émouvant film d'Emily Atef, 3 jours à Quiberon,qui a remporté sept Lola berlinois - l'équivalent de nos césar - dont celui du meilleur film et de la meilleure réalisatrice...
   Pas questions de raconter la vie de cette icône du cinéma, décédée en 1982 à l'âge de 43 ans, il s'agit ici de la filmer lors d'une cure sur la côte bretonne, suite à une dépression au moment où elle accepte de donner une longue interview au magazine allemand Stern. Criante de vérité, Marie Baümer nous fait partager cette douloureuse crise existentielle et nous fait vivre des moments bouleversants dans une mise en scène filmée en noir et blanc. On croit voir Romy dans une détrèsse profonde contrastant avec une réelle joie de vivre. Rencontre avec Marie Baümer.

Comment vivez-vous cette ressemblance avec Romy Schneider ?

Maria Baümer : "Dès mes 16 ans, les gens ont commencé à me dire que je leur rappelais Romy Schneider. A l'époque, je ne savais même pas qui c'était parce que j'ai grandi sans télévision et j'allais rarement au cinéma. Ensuite, lors de ma formation au théâtre, j'ai commençais à me confronter un peu plus à elle. En Allemagne et en France, on m'a plusieurs fois proposé des biopics que j'ai toujours refusés parce que, d'abord, c'est un genre difficile et rarement réussi. Et ensuite parce que je trouve risqué d'interpréter l'icône. C'est presque fichu d'avance parce que le spectateur peut rester avec l'envie de voir la vraie"

Pourquoi avoir accepté celui-là ?  

"Parce qu'il s'agit d'un zoom à la fin de sa vie d'une femme qui était - NDLR : elle dessine des guillements avec ses doigts - par hasard une vedette de cinéma, dans un état émotionnel déchiré. Le film met la lumière sur une surface de vie. Ce chemin là m' intéressait. Et puis, au centre du film, il y avait l'interview avec le photographe Robert Lebeck et la journaliste Michaël Jürgs du magazine allemande Stern."

Avez-vous rencontré quelques-uns des protagonistes ?

 "Robert Lebeck est décédé il y a deux ans, mais on a eu la chance de pouvoir le rencontrer Il était adorable. Il nous a donné son accord pour être une personnage fictif basé sur une histoire vraie. Et il nous a prêté cinq cents tirages de photos non publiées, de cette période à Quiberon. La réalisatrice avait quasiment son décor sous les yeux. D'ailleurs, c'est là que l'idée de tourner en noir et blanc est née."

Pourquoi le noir et blanc ? 

"Cela apporte une distance qui me plaisiat beaucoup et ça me renvoie aussi à mon enfance où l'on avait des photographies très contrastées en noir et blanc. J'ai toujours rêvé d'avoir dans ma filmographie une oeuvre en noir et blanc, et bien voilà, c'est fait."

Avez-vous pensé à l'impact du film sur ses proches ?

"J'ai un fils, alors oui, j'y ai pensé. C'était un vrai sujet de discussion. Sa fille a était contacté, elle a lu le scénario, mais je n'en sais pas plus. Emily Atef m'a rassurée en disant que, l'état sombre de cette femme quasi détruite, toutes les couleurs de la souffrance seraient mélées avec beaucoup d'empathie. On ne chercherait pas à utiliser Romy Schneider mais plutôt à la protéger."


Comment avez-vous construit le rôle ?

"J'ai eu plusieurs piliers. Je souhaitais m'en approcher comme un dessin très fin avec quelques traits plus prononcés dans le maquillage. Et puis j'ai travaillé ce très doux accent de l'ancienne bourgeoisie viennoise. J'ai regardé pas mal d'interviews où elle était authentique : comment son souffle se bloquait, comment elle était agitée, rarement détendue. J'ai remarqué sa manière de fumer assez masculine, sa façon de suivre sa pensée sans écouter les journalistes. Après, il m'a fallu faire un point pour redevenir libre dans le jeu, pour ne pas tomber dans le piège de l'interprétation de l'icône. Et finalement je me suis approchée d'elle en prenant de la distance. Un état déséquilibré, certes, mais qui était bon pour le personnage."

Aimez-vous être prise en photo comme semble l'être Romy ?

"J'ai toujours beaucoup aimé la photographie. En tout cas le résultat mais pas forcément le moment même. Et je me suis toujours dit qu'avec l'expérience, ce serait plus facile mais c'est le contraire. Ce moment avec un photographe est drôlement plus intime que dans un film où l'on a la protection du personnage qu'on interprète. Je suis toujours contente lorsque je peux faire des séances de photos avec des phtographes que je connais. C'est beaucoup plus facile."

Geneviève Cheval

Film
d'Emily Atef (Allemagne, 1h55)
avec Marie Baümer, Birgit Minichmayr,
Charly Hübner... 




Page 17 du journal "Sortir à Rouen" du 13 au 19 juin 2018

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